C'est un article du Monde, paru il y a quelques jours:
http://lemonde.fr/le-monde-2/article/2009/06/12/la-douce-tyrannie-de-l-emotion_1206320_1004868.html
Quand on sait que sarkozy privilégie l'émotionnel au rationnel, cette analyse présente un certain intérêt. Voir le "discours de Nîmes".
Sur Mediapart: Sarkozy la main dans un pot de confiture de rose:
"Car notre pays a beaucoup glorifié Descartes, et il est temps de réhabiliter Spinoza : l'intelligence humaine est avant tout le produit des émotions, et ce serait une très grave erreur de centrer les enseignements sur les seules disciplines cérébrales en marginalisant celles qui font appel à l'intelligence des émotions et à l'intelligence du corps.» "
(Dans l'entourage de Nicolas Sarkozy, parmi la petite cohorte des intimes qui relisent ses discours, il y a un expert de Spinoza. Un grand expert en la personne... d'Alain Minc.)
On peut lire également le blog de Pierre Assouline:
Nicolas Sarkozy, ministre de sa culture
Extraits de l'article du Monde:
De l'émotion, les clichés médiatiques aiment à dire qu'elle est "intense" ou "vive", voire "énorme". Comme si l'émotion devait désormais être amplifiée, surqualifiée, tant nous y sommes habitués. Elle est devenue en ce début de xxie siècle notre lieu commun, indépassable, obsédant, obligatoire.
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La compassion aussi est une figure des temps actuels que les pouvoirs aiment bien flatter et transformer en solidarité. On se sent presque un monstre si l'on n'est pas à l'unisson de l'émotion générale, nationale, celle "de tout un peuple". La communication politique et sa compagne managériale la "communication de crise" la maîtrisent au millimètre près.
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Depuis quelques années nous sommes ballottés au rythme accéléré des émotions fortes..../... Au JT l'émotion est visible, palpable (toujours selon les clichés médiatiques), donc montrable. C'est le fonds de commerce des écrans.../...Réalité et fiction confondues. .../... Télé-réalité, fabrique d'émotion, avant et après le "20 heures"…/... Tout se mêle.
Puis vient, tout de suite, à chaud, la communication politique : un projet de loi.../... Surtout plus jamais ça. Nous vivons ainsi entre émotion à répétition et principe de précaution..../..
Parfois cependant, la télé se réveille. L'autre nuit, après le crash du Rio-Paris, Paul Virilio décodait justement ce qui est à l'œuvre (dans l'émission " Ce soir ou jamais " sur France 3). Il parlait de "synchronisation de l'affect", d'une société où l'on passe des communautés d'intérêts à la communauté d'émotion, où le présent est oublié au profit de l'instant et où notre rapport au réel est chamboulé par " l'accélération de la diffusion instantanée de l'émotion ". Il faut lire Virilio. Lorsqu'il glisse en passant que, enfant de la guerre, il a vu "comment le fascisme a manié les émotions", il faut l'écouter. Non qu'il y ait quelque part un tyran omnipotent décidant des axes de la propagande de masse. Nous n'en avons même plus besoin, tant nous sommes habitués à ressentir sur (télé)commande les émotions qu'on nous montre, en flux continu.
Dans nos têtes, si l'on n'y prend garde, l'histoire en train de se faire s'efface peu à peu, ou encore, pour citer Virilio, l'événement se dissout au profit de la succession des accidents. Comme il y a désormais des "accidentés de la vie", nous voilà devenus des victimes de l'émotion.
Didier Pourquery
Article paru dans l'édition du 13.06.09