"Nos enfants sous haute surveillance", de Sylviane Giampino et Catherine Vidal : les enfants, futurs délinquants ?
LE MONDE | 09.09.09 |
Au nom de la prévention, nombre de scientifiques ...
Tests de dépistage précoces, grilles d'évaluation du comportement, protocoles de soins standardisés : depuis une vingtaine d'années, le regard que les adultes portent sur les enfants a changé. Au nom de la prévention, nombre de scientifiques et de professionnels de la petite enfance tentent désormais de dépister le plus tôt possible les enfants, voire les bébés, atteints de "troubles du comportement". Ils veulent éviter que ces tout-petits deviennent un jour des délinquants.
Cette approche est contestée par un livre stimulant rédigé par Catherine Vidal, neurobiologiste et directrice de recherche à l'Institut Pasteur, et Sylviane Giampino, psychanalyste et psychologue.
La première est une spécialiste reconnue du cerveau, la seconde est à l'origine d'un appel, "Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans", lancé en 2006 après un rapport de l'Inserm préconisant le repérage des "perturbations du comportement" dès la crèche.
Toutes deux constatent - à regret - que, depuis les années 1980, le dépistage standardisé des "enfants à risques" est de plus en plus fréquent. En témoigne le succès de "Dominique interactif", un autoquestionnaire informatisé de vingt minutes qui classe les enfants en trois catégories, ou l'utilisation croissante, en maternelle, de questionnaires d'évaluation du comportement. Nés outre-Atlantique, ces outils simples à utiliser sont le plus souvent suivis de thérapies comportementales courtes.
Pour les auteures, ces dépistages systématiques sont absurdes. "Ce qui ne se mesure pas, c'est l'origine de la souffrance psychique, qui elle-même est l'outil de la fabrication des symptômes. Le symptôme n'est pourtant que la partie visible de l'iceberg, une protubérance à partir de laquelle, si on en reste là, on ne peut ni comprendre, ni traiter, ni prévenir le problème."
Non que les auteures soient hostiles au principe de la prévention. Mais elles plaident pour une démarche qui évite le ciblage des populations "à risques" : la présence d'un psychologue en maternité, l'ouverture d'un relais parents-enfants, l'intervention d'un médiateur familial. "Comment aider l'enfant ? En lui permettant, par la parole, le jeu, le mouvement, de renouer les échanges avec son monde interne, ses tiraillements et ses angoisses, ses inhibitions et ses impulsions. Pour les ventiler de paroles, de contacts affectifs et corporels, de créativité, de pédagogie libre."