La machine Sarkozy donne ses premiers signes de fatigue
FRANCE. Conjoncture morose, incertitude sur les réformes et tiraillements internes: l'exécutif affronte des turbulences.
Sylvain Besson, Paris
Jeudi 27 septembre 2007
Ce n'est pas la crise, du moins pas encore. Juste une myriade de petits signes, qui suggèrent que la belle machine de gouvernement construite par Nicolas Sarkozy commence peut-être à se gripper. Dégradation des finances publiques, désaccords entre ministres, grognements dans la majorité de droite: après un été sans nuages, le nouveau pouvoir français traverse une période agitée, qui pourrait annoncer d'autres désillusions.
D'abord, les mauvaises nouvelles économiques. Lundi, on apprenait que le mode de calcul des chiffres du chômage serait modifié, ce qui pourrait se traduire par une hausse du taux officiel de sans-emploi (8% aujourd'hui). Mercredi, le gouvernement a présenté un budget lourdement déficitaire - les dépenses excéderont les recettes de 41,7 milliards d'euros - alors que ses partenaires européens le pressent d'équilibrer ses finances.
«Ce n'est pas un budget de rupture, commente l'économiste Nicolas Bouzou, plutôt un décalque de celui de l'an dernier. Il y a peu de mesures favorables aux entreprises, alors que la France souffre d'un grave problème de compétitivité. La suppression de la taxe professionnelle, qui frappe l'investissement, n'est même plus évoquée.»
Cette déception se double d'une grande incertitude concernant les futures réformes. Nicolas Sarkozy a démenti l'existence d'un «plan de rigueur» que préparerait en secret son gouvernement. Mais les experts se demandent comment la France va pouvoir limiter ses déficits sans réduire drastiquement certaines dépenses publiques, un processus qui sera forcément douloureux.
Cette perspective crée des tensions au sein de l'équipe dirigeante: les mots «rigueur» et «faillite», utilisés successivement par la ministre de l'Economie et le premier ministre, ont été récusés par la présidence. En outre, tout projet de hausse d'impôt risque de se heurter à la résistance des députés de droite: «Une augmentation des prélèvements obligatoires est absolument exclue», prévient un parlementaire de la majorité.
A cette conjoncture morose s'ajoutent les tiraillements, devenus fréquents, entre l'Elysée et certains membres du gouvernement. Le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, évoque un gel des cultures d'OGM? Un conseiller du président lui suggère de se montrer plus prudent sur ce «sujet grave». Le ministre de la Défense, Hervé Morin, évoque naïvement la possibilité d'un remaniement ministériel? Il est démenti par le porte-parole de Nicolas Sarkozy. Sans parler de Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères, corrigé par le président lui-même pour avoir mentionné un risque de «guerre» avec l'Iran.
Le style de direction adopté par Nicolas Sarkozy n'est pas étranger à cette cacophonie. D'un côté, il encourage ses ministres à s'exprimer le plus possible, et sans langue de bois. De l'autre, il se réserve le pouvoir de décision suprême sur tous les dossiers. «Ce système où tout passe par le président peut fonctionner quand tout va bien, mais en cas de crise, il y a un danger de blocage», prédisait cet été le politologue Dominique Reynié.
Pour l'heure, ces accidents de parcours n'ont guère entamé la popularité de Nicolas Sarkozy. Avec 66% d'opinions favorables, selon un sondage publié mardi par Libération, il reste à un niveau rarement atteint par un président en exercice. Mais cela pourrait ne pas durer, comme l'admet un conseiller du chef de l'Etat: «Les gens attendent des résultats. S'ils ne viennent pas, sa popularité finira forcément par s'effriter.»