Une taxe pour sauver
le patrimoine
Vianney Aubert
le figaro 21/01/2008 | Mise à jour : 08:49 |
Selon Christine Albanel, une «contribution de deux euros» par nuitée, dans les établissements d'un standing au moins égal à quatre étoiles, rapporterait près de 50 millions d'euros pour financer des travaux de restauration (ici, dans l'hôtel de la Marine, à Paris). Crédits photo : AFP
Pour financer la restauration du patrimoine français, le ministre de la Culture Christine Albanel veut instaurer un prélèvement sur les nuits dans les grands hôtels.
«À la première civilisation qui n'ait encore su créer ni ses propres temples, ni ses propres tombeaux, puissiez-vous être ceux qui feront du moins le don réel de son propre passé », lançait aux députés le ministre de la Culture du général de Gaulle, André Malraux, lors de l'ouverture en juillet 1962 des débats parlementaires sur la loi de protection du patrimoine. Quarante-cinq ans plus tard, son appel n'a pas perdu de sa force. «Les moyens budgétaires actuels ne permettent pas de transmettre dans un bon état de conservation notre patrimoine aux générations futures», souligne le ministre de la Culture Christine Albanel.
Le dernier «Rapport sur l'état du parc monumental français», envoyé en fin de semaine dernière aux députés par le ministère de la Culture, se fait l'écho de ce constat. Il note «une dégradation sensible de l'état de conservation du patrimoine» . Deux chiffres révèlent l'ampleur de la détérioration. À la fin de 2007, 42 % des monuments historiques classés étaient considérés en mauvais état, voire en péril, contre 32 % cinq ans plus tôt.
En conséquence, le coût des travaux nécessaires à la restauration du patrimoine français a grimpé en flèche, passant de 7 à 10,7 milliards d'euros. «Il y a des situations d'urgence, on le sait», ajoute Christine Albanel, comme l'attestent la cathédrale de Beauvais, qui réclame depuis quinze ans une intervention de grande ampleur, ou le château de Champs-sur-Marne, fermé au public depuis l'automne 2006 après l'écroulement d'un plafond.
Mais les moyens manquent à l'État, qui finance en moyenne à hauteur du tiers les travaux de restauration, pour soutenir ce vaste chantier. «C'est le nerf de la guerre, il faut non seulement maintenir l'effort financier mais l'augmenter», déclare Christine Albanel. Au ministère de la Culture, en ces temps de rigueur budgétaire, plusieurs options sont étudiées pour alimenter «un fonds de soutien». Elles vont d'un prélèvement sur les jeux de loterie à une contribution des casinos, calculée au prorata du chiffre d'affaires. Une autre idée, déjà avancée par le Groupement des entreprises de restauration des Monuments historiques, a également retenu l'attention : la création d'une taxe sur les nuits d'hôtel.
«Un lien naturel entre tourisme et patrimoine»
«Il existe un lien naturel entre le tourisme et le patrimoine», justifie le ministre, qui évalue à environ 170 000 le nombre d'emplois indirects qui tirent profit de la mise en valeur et de l'exploitation du patrimoine. Selon ses calculs, une «contribution de deux euros» par nuitée, dans les établissements d'un standing au moins égal à quatre étoiles, rapporterait près de 50 millions d'euros. «Il y a une vraie logique à ce financement. Près de 70 % de la clientèle de ces établissements sont des étrangers, dont bien souvent la visite est en lien avec notre patrimoine. Et puis, deux euros, c'est la moitié du coût d'un soda pris dans le minibar de la chambre», relativise-t-elle.
La volonté du ministre de la Culture est de parvenir à une décision rapidement pour présenter un budget 2009 en forte augmentation. Cette année, il est de 303 millions d'euros. «Avec 350 millions, on pourrait faire beaucoup, 400 millions seraient le top du top», dit-elle. Quatre cents millions d'euros, c'est justement l'objectif fixé par Nicolas Sarkozy en septembre 2007, lors de l'inauguration de la Cité de l'architecture. «Ça ne sert à rien d'être si fier du patrimoine français et de continuer à mégoter pour l'entretenir», avait affirmé le président de la République.