Silvio Berlusconi bien parti pour gagner une troisième fois les élections italiennes
LE MONDE | 18.03.08 | 15h01 • Mis à jour le 18.03.08 | 15h09 ROME CORRESPONDANT
A moins d'un mois du scrutin, la campagne pour les élections législatives des 13 et 14 avril tarde à décoller en Italie. Parti le premier pour faire le tour des 110 provinces italiennes, l'autocar affrété par Walter Veltroni, le leader du Parti démocrate (PD, centre-gauche), rencontre certes des foules chaleureuses, mais il peine à revenir sur la flottille de camping-cars qui sillonnent le pays pour le Peuple de la liberté (PDL, droite) de Silvio Berlusconi. Depuis que ce dernier est entré en campagne, le 9 mars, l'écart entre les deux concurrents s'est stabilisé à 7-8 points en faveur de la liste berlusconienne.
Après "la remontée", qui a enflammé les premiers meetings de M. Veltroni, la stagnation du Parti démocrate suscite désormais des interrogations dans son propre camp. "Le pays attend un électrochoc positif sur les vrais problèmes, écrit Europa, un quotidien proche du PD. Le court-circuit n'a pas encore été déclenché, c'est pour cela que nous sommes à l'arrêt dans les sondages.
"Pour la plupart des observateurs, les programmes ébauchés par les deux camps sont trop jumeaux, surtout en matière économique, pour départager les indécis, qui seraient encore plus de 25 %. Pour l'instant, les deux adversaires s'accusent mutuellement de plagiat, mais le ton reste mesuré. M. Veltroni essaie de communiquer au pays son optimisme, en promettant croissance et baisse des impôts, alors même que l'Italie vient de revoir sa prévision de croissance à 0,6 % et que les experts prédisent une période de stagnation, voire de récession.
Face aux audaces de son adversaire, M. Berlusconi fait étrangement profil bas : "Je n'ai pas de baguette magique", répète l'homme qui promettait naguère des miracles. Alors que les portes de Palazzo Chigi, le Matignon italien, lui semblent ouvertes pour la troisième fois, "Il Cavaliere" confie son intention "d'aller au gouvernement avec beaucoup d'humilité".
UN CASTING POUR RATISSER LARGE
Les deux grands partis plafonnent en raison de "la faible intensité de la campagne", diagnostique le politologue Ilvo Diamanti. Faut-il s'attendre à un durcissement dans les prochaines semaines ? En refusant de s'allier à la gauche radicale, comme l'avait fait le centre-gauche lors des dernières échéances, le Parti démocrate a privé M. Berlusconi de sa cible communiste préférée. Il lui a aussi confisqué son vieil ennemi, Romano Prodi, qui expédie discrètement les affaires courantes après avoir annoncé son retrait de la politique italienne.
En leur distribuant leur "kit" de campagne, M. Berlusconi a conseillé à ses candidats de comparer l'ancien maire de Rome à Staline. Mais l'argument fait sourire. Admirateur des Kennedy et soutien d'Obama, le leader de la gauche réformatrice célèbre "le vent nouveau qui souffle de l'Amérique" et "les idées démocrates capables de réunir la croissance économique et la lutte contre la pauvreté".
Faute de se distinguer sur les idées forces de leurs programmes, MM. Berlusconi et Veltroni ont apporté un soin tout particulier à la composition de leurs listes. Ayant renoncé à composer des coalitions qui se sont révélées difficiles à gérer dans le passé, chacun a monté un casting pour ratisser large. Sur la liste du PDL de M. Berlusconi, la présence d'un entrepreneur de presse romain, fasciste non repenti, a fait scandale pendant quelques jours, mais son nom a été maintenu comme antidote à la liste Destra, une droite dure incarnée par deux anciens dirigeants d'Alliance nationale, le parti de Gianfranco Fini, qui pourrait priver le PDL de précieux sièges au Sénat. Pour se réconcilier avec le Nord-Est, réputé hostile à la gauche, Walter Veltroni a promu un petit industriel vénitien qui fut, il y a peu encore, un pourfendeur du gouvernement Prodi.
Dans l'ensemble, les deux partis ont tenu compte d'une opinion publique très remontée contre la classe politique, en accordant plus de place à des candidats issus de la société civile, en rajeunissant et en féminisant leurs listes. L'âge moyen est de 44,5 ans pour le PD et de 48 ans pour le PDL. S'il n'y a qu'une femme pour trois candidats à droite, la proportion approche les 50 % à gauche.
Ce renouvellement de la classe politique n'emballe pas tout le monde : "Les listes présentées par le Peuple de la liberté et le Parti démocrate sont médiocres", estime le quotidien économique Il Sole 24 Ore. Pour son éditorialiste, "jamais la campagne électorale n'aura été autant concentrée sur deux personnages symboles qui sont devenus des machines à ramasser les voix". Leur credo commun étant le "vote utile", ils n'ont pas de quoi faire chavirer les foules.
Mais la campagne en demi-teinte découle aussi du système électoral. Grâce à la prime majoritaire, le parti arrivé en tête aura une confortable majorité à la Chambre des députés. En revanche, la partie risque d'être serrée au Sénat, où le résultat final peut se jouer dans trois ou quatre régions clés. La perspective d'une prochaine cohabitation, voire d'une "grande coalition", n'incite pas à se déchirer.
Jean-Jacques Bozonnet
Article paru dans l'édition du 19.03.08