rue 89
Aux rescapés du cyclone birman, l'ONU envoie 220 000 capotes...
Alain Renon | Journaliste | 21/05/2008 | 12H35
Nous sommes le 21 mai et un "responsable humanitaire" du Fonds des Nations unies pour la population a annoncé hier, pas peu fier, depuis Bangkok: "L’ONU va envoyer 220000 préservatifs à des survivants du cyclone." Vous ne me croyez pas? Vous avez tort.
Et le même de préciser: "Nous ne voulons pas que le recours régulier à des moyens de contraception soit perturbé", alors que, chacun devrait le savoir, "en situation d’urgence, le système de santé est touché si bien que les gens n’ont pas accès à des préservatifs et autres moyens contraceptifs". 220000 capotes, dont 72800, soyons à jour, sont déjà arrivées -la belle ONU l’assure- dans les restes boueux de villages du delta de l’Irrawaddy.
On se demande, quand même… Quel est le "système" de santé qui a été touché en Birmanie, où les hôpitaux civils, sans qu’il soit besoin de catastrophe naturelle, manquent de tout; où les malades du sida agonisent depuis des années sans quasiment le moindre secours? Pas de détournement à redouter? Ou, au contraire, la tacticienne et perspicace diplomatie internationale voit-elle là -détournement systématique de toute aide à son profit par la vorace junte oblige- le sûr moyen de prévenir sa reproduction? Et sinon, s’agit-il de s’assurer, grâce au latex, que la prochaine tempête fera moins de victimes?
Tic, tac, tic, tac…
Nous sommes le 21 mai et la Banque mondiale nous a informé qu’elle n’est pas "en position" d’aider la Birmanie, laquelle a en effet "accumulé des arriérés depuis 1998", comme le déplore son directeur général, depuis Singapour. La règle, c’est la règle. Et la vertueuse Banque mondiale ne saurait y déroger. Elle ne peut donc, nous explique le DG, "légalement" débloquer des fonds.
On se demande, quand même... La règle plutôt que la vie? Ça vaudrait partout, même chez nous, si jamais? Au fait, comment vont l’ancien banquier mondial en chef, Paul Wolfowitz, et sa maîtresse, qui fut grassement rétribuée par l’institution phare de la règle, sans jamais être "légalement" inquiétés?
Tic, tac, tic, tac…
Nous sommes le 21 mai, et pour la cinquième journée consécutive, le "Mistral" (d’après tempête) fait "des ronds dans l’eau", nous racontent quelques reporters embarqués et tournoyant avec les 1000 tonnes de fret humanitaire, de quoi nourrir 100000 personnes pendant 15 jours, et abriter 60000 sinistrés, nous rappelle l’état-major français, désolé d’avoir à patienter ainsi au plus près de "la région la plus touchée par le cyclone" où, or donc, "les besoins sont les plus importants".
On se demande, quand même… Pourquoi avoir dépêché un bâtiment militaire? Pour avoir raison, face à une junte aussi fermée qu’une huître et plus dure que n’importe quelle perle qui y aurait développé sa nacre, de stigmatiser le "crime contre l’humanité" de la clique du généralissime Than Shwe? Pourquoi ne pas passer par l’Association des pays du sud-est asiatique, l’Asean, que Rangoon privilégie? Parce que le tricolore se diluerait dans plus d’efficacité et que le bénéfice du geste n’irait pas d’abord au donateur?
Tic, tac, tic, tac…
Nous sommes le 21 mai. Le bilan communément admis du cyclone Nargis, qui a ravagé le sud-ouest de la Birmanie le 2 mai, s’établit provisoirement à 133600 morts ou disparus et 2,4 millions de sinistrés.