extrait de son interview
Ne regrettez-vous pas la dérive people et la récupération politique de votre défense de Battisti?
Bien sûr que cette mobilisation m'a échappé. En grande partie parce que la plupart des journaux m'ont fait passer pour une gourde qui s'est soudain découvert des convictions politiques, moi qui ai été élevée dans un milieu très politisé! Beaucoup n'ont vu dans mon soutien à Battisti qu'un petit coup de tête, alors que j'ai énormément bossé sur ce dossier, avant tout en historienne, accumulant les archives, les pièces, les précisions, étudiant à la loupe les failles de l'accusation. Ce qui s'est passé entre la France et l'Italie, ce n'est pas une question de justice, c'est un deal.
Que pensez-vous de l'attitude de Nicolas Sarkozy dans cette affaire?
Il savait très bien où se trouvait Cesare Battisti depuis 2004. Il l'a laissé cavaler pour le rattraper au moment de la campagne présidentielle. Je n'appelle pas ça avoir de l'humanité. Rien à voir avec François Bayrou: quand il n'y avait plus personne dans le paysage politique pour m'aider, je suis allée le voir en le prévenant que je ne votais pas UDF. Bayrou m'a répondu qu'il s'en doutait et qu'il s'en fichait. Il a demandé à lire tout le dossier. C'est l'un des rares qui n'ont jamais renoncé à défendre Battisti, quoi qu'en ait pensé son électorat. Contrairement à bien des hommes politiques, il a une réelle intégrité. François Hollande, lui, nous a lâchés, comme tous ces gens qui ont adhéré à la cause quand elle était populaire et qui ont retourné leur veste quand le vent a changé.
Etes-vous toujours de gauche?
Oui, mais de la gauche errante, celle des gens qui tiennent bon même si ça ne correspond pas à l'histoire officielle que nous fabriquent la France et l'Italie. François Bayrou, mais aussi Jacques Bravo, le maire du IXe arrondissement de Paris, Yves Cochet, le député Verts, Bernard-Henri Lévy et beaucoup d'autres continuent à soutenir Battisti, quels que soient les reproches encourus. Les caciques du PS, non. Parce que ce n'est pas le moment, parce que ça ne va pas plaire à l'électeur. Et, pendant ce temps-là, un type est en train de crever en prison. Mais à travers un homme, il y a tous les hommes, comme disait Primo Levi. Ça pose des questions sur la compromission, sur la lâcheté politique.
http://livres.lexpress.fr/entretien.asp/idC=13990/idR=5/idG=3