Au pied des Pyrénées, Bayrou attend son heureCela vient du plus profond de son cœur. Un simple nom de région. De sa région, prononcée trois fois de suite comme pour mieux en marquer l’attente : «Pyrénées, Pyrénées, Pyrénées…» Pas vraiment une surprise. Une habitude même. Mais après deux années électorales particulièrement chargées en émotions pour le troisième homme de la présidentielle de 2007, la question ne se pose même pas. C’est naturellement, chez lui, dans sa maison de Bordères, près de Pau, que François Bayrou entend se ressourcer. Des vacances en famille, «au milieu d’une nuée d’enfants de tous âges, pleine de bruits et de fureurs». Mais seulement «deux ou trois semaines, après la session parlementaire extraordinaire», dit-il.
Discret sur ses vacances béarnaises, le député des Pyrénées-Atlantiques concède tout au plus qu’il lira. «Mais je lis tous les jours», corrige aussitôt cet agrégé de lettres classiques. Enfant déjà, «faute d’avoir eu à l’époque une réelle éducation musicale», il se réfugiait dans la poésie. Cet été, lecture donc, mais surtout écriture. «Je vais écrire un livre politique sur la question qui se pose aujourd’hui à la France : Qu’est-ce qui se passe vraiment, qu’est-ce qui est dissimulé derrière ce brouillard d’activisme ? Bref, où va-t-on ?», confie-t-il.
«Être digne de son destin»Il est comme ça, François Bayrou. La politique n’est jamais loin. À ses détracteurs qui lui reprochent d’être obnubilé par l’idée d’entrer un jour à l’Élysée, il répondait, quelques jours après sa défaite à Pau aux municipales en mars, qu’il croit au destin. À son destin. «Oui, j’ai toujours pensé que, dans toute vie, il y avait un destin, y compris dans la mienne (…) La seule question qui se pose, c’est : “Est-ce que vous choisissez d’être digne du destin qu’il y a dans votre vie ou est-ce que vous renoncez à être digne du destin qu’il y a dans votre vie ?”»
Le destin, pourtant, ces deux dernières années, n’a pas été particulièrement tendre avec lui. Perte de son groupe à l’Assemblée nationale après la dissolution de l’UDF dans le MoDem. Mais, surtout, une défaite personnelle à Pau, la capitale du Béarn, dont ce biographe reconnu du bon roi Henri IV se voyait devenir le maire. Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy se plaît à parler de François Bayrou comme «du conseiller municipal d’opposition de Pau».
En juillet, François Bayrou a poursuivi son combat contre le président de la République. Le premier, le leader centriste a dénoncé «les protections au plus haut niveau», celui de Nicolas Sarkozy, dont aurait bénéficié Bernard Tapie dans l’affaire du Crédit lyonnais. Il a ainsi ouvert une polémique dans laquelle se sont engouffrés les socialistes qui ont demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire.
Les épreuves traversées de­vraient nourrir les réflexions du président du MoDem pendant ses deux ou trois semaines de repos passées loin de la capitale. L’occasion, aussi, sans doute, de peaufiner sa stratégie pour imposer son nouveau parti comme la troisième force politique française. Un rêve ? François Bayrou en est en tout cas persuadé : il y a en France une place pour un centre fort et indépendant, répète-t-il. Même si, dans un entretien accordé au Figaro début juillet, il expliquait que «pour proposer au pays un destin autre que celui vers lequel on l’emmène, il faudra des alliances larges». Avec qui ? Les gaullistes et les chiraquiens qui ne se reconnaissent pas dans la présidence Sarkozy, sûrement. Le PS ? Il ne l’écarte pas. Mais quand ? À l’occasion des prochaines européennes ? Des prochaines régionales ?
Pour l’heure, il attend de voir et laisse les socialistes résoudre leur «problème de projet et de leader». Et continue de se poser en «seul défenseur du pluralisme» en France. «Il n’y a plus désormais qu’un mouvement politique qui soit le défenseur du pluralisme en France, et c’est ici qu’il se trouve», avait-il lancé devant quelque 1 500 élus et ex-candidats aux municipales du Mouvement démocrate, réunis fin avril à Paris.
«Repenser» L’EuropeAvec seulement trois députés et moins d’une dizaine de sénateurs membres du bureau exécutif du MoDem, sur les trente que compte le groupe centriste au Sénat, François Bayrou apparaît pourtant plus isolé que jamais. Surtout depuis le départ de l’influent sénateur de la Mayenne, Jean Arthuis. Le 21 juillet, au Congrès de Versailles, ils n’ont été que deux sénateurs centristes à voter, comme le président du MoDem, contre la révision de la Constitution.
Mais qu’importe ! S’il doit rester seul contre tous, François Bayrou croit ferme en son destin. Et dit attendre beaucoup de la prochaine séquence électorale, les européennes, qui auront lieu en juin 2009, pour relancer son parti. Ce scrutin, à la proportionnelle, sera peut-être l’occasion de se refaire une santé électorale. Mais également de «repenser» l’idée même de l’Europe. Début juin, à l’occasion d’une convention consacrée à l’Europe, entouré de six des huit députés européens du MoDem, dont leur chef de file, Marielle de Sarnez, François Bayrou avait présenté ces élections comme «une échéance de vocation» pour son parti, issu de l’UDF et historiquement engagé en faveur de la construction européenne.
Selon le député des Pyrénées-Atlantiques, «on ne peut plus se contenter de l’invocation de l’idéal européen et de la défense de ce qui est fait. Nous devons mettre devant nous les questions qui ont fait que les peuples se sont éloignés de l’Union». Un thème qu’il devrait à nouveau développer les 5, 6 et 7 septembre à l’occasion de l’université d’été du MoDem à Cap Estérel (Var). Et où il attend quelque deux mille «démocrates».
Rodolphe Geisler - 08/08/2008