La Finlande : Un modèle éducatif pour la France ?
Etant donné ma sympathie pour ce joli pays (ce n’est pas comme si j’y habitais depuis quelques mois !), je me suis penché sur la qualité du modèle éducatif finlandais. En effet, les études PISA (1) menées sur l’ensemble des pays de l’OCDE (pays les plus développés) montrent clairement la pole position des performances des élèves finlandais dans le monde.
Bien qu’étant sur place, je n’ai malheureusement pas le temps d’aller visiter des écoles pour interroger les acteurs de l’enseignement finlandais. Mon développement repose donc à part entière (plus quelques expériences personnelles) sur le livre « La Finlande : Un modèle éducatif pour la France ? Les secrets de la réussite » de Paul Robert, aux éditions Pédagogies Références (dont je vous recommande la lecture, même s’il coûte tout de même 22 € !) qui décrit parfaitement les détails de l’organisation du système que je ne fais que résumer ici. Les citations de mon développement sont directement tirées de ce livre.
(1) Etudes menant sur les performances des élèves des pays développés. Site officiel des études PISA : http://www.pisa.oecd.org
Organisation et performances du modèle finlandaisJe vais commencer par montrer le schéma suivant qui est assez parlant (venant du même site que (1) ):
On peut constater que si la Finlande a une dépense moyenne par élève relativement proche de la France, les performances sont nettement meilleures. Le toujous « plus de moyen » que réclament souvent les acteurs du système éducatif français ne semble pas avoir lieu d’être. En fait, ce n’est pas plus de moyen qu’il faut donner, mais changer un système périmé.
Organisation du système Finlandais :De 1 à 6 ans : Les enfants peuvent être accueillis au jardin d’enfants. La loi prévoit d’ailleurs l’obligation pour les municipalités de trouver une place dans un rayon raisonnable pour toute famille qui le souhaite. Les frais sont plafonnés à 200 € par mois pour les familles les plus aisées, et certains jardins sont ouverts 24h/24 pour les familles travaillant de nuit. Actuellement, environ la moitié des enfants de moins de 6 ans vont en jardins d’enfants.
De 6 à 7 ans : L’éducation préscolaire permets de faire la transition entre le jardin d’enfant et l’école dite « fondamentale ». Ici on ne cherche pas à transmettre des savoirs, mais plutôt à éveiller la curiosité de l’enfants.
De 7 à 16 ans (parfois séparé en 7-13 et 13-16, même si la volonté est de pas créer de césure) : L’école fondamentale, l’équivalent de notre école primaire et collège.
De 16 à 19 ans : Lycée général ou professionnel.
Je n’ai pas trop détaillé le cursus 6-19 ans ici, je vais le faire dans la partie suivante, en en détaillant les points particuliers :
Les points particuliers à noter (et à exporter !)
Gratuité TOTALE : Le premier point, et non des moindre du système éducatif finlandais est qu’il est entièrement gratuit. Pas comme en France où il est « seulement » gratuit, là bas, tout les frais du transport aux livres, en passant par les fournitures et les repas à la cantine sont payés par les municipalités aidées par l’état. Un terreau idéal pour une égalité de traitement parfaite entre famille favorisées ou non.
Une décentralisation poussée : Second point que l’on peut remarquer est la décentralisation poussée du système. Là bas, ce sont les municipalités qui ont en charge l’entretien des bâtiments, la gestion du personnel. On pourrait dire que la décentralisation est un facteur d’inégalité. Là bas, on dit plutôt que c’est de la confiance que accordé à chaque intervenant, je parle ici notamment des professeurs, qui sont libre d’appliquer les programmes à leur manière, mais aussi de faire des expérimentation pédagogiques impossible en France à cause d’un « programme à boucler !». Les grandes lignes du programme sont tout de même décidées à l’échelon national, et le ministère met à dispositions des professeurs des documents pédagogiques qu’ils peuvent utiliser à leur guise.
Une formation pédagogique : Plus de 50 % de la formation d’un professeur en Finlande est consacré … à la pédagogie … qu’en est-il en France ? Très certainement loin de là ! Et cela marche, les professeurs n’étant pas craints par leur élèves, mais respectés car ils ont su mettre la confiance dans les échanges avec les élèves.
Des notes absentes, un redoublement quasiment inexistant : Jusqu’à 13 ans les notes n’existent pas. En effet, il a été considéré qu’elles pouvaient avoir des effets négatifs sur les élèves les plus fragiles, les « entraînant dans une dynamique de dévalorisation souvent irréversible ». Quand au redoublement, jugé peu efficace et coûteux (environ 2 milliard d’euros sont dépensés chaque année en France pour ce dispositif), il a également été supprimé (ou presque, la famille pouvant le demander, souvent lors d’un déscolarisation de l’enfant pour maladie par exemple). A partir de 13 ans, les notes permettant d’évaluer les élèves sont tout de même restée, mais elles vont de 4 à 10 (10 étant la meilleure). Pourquoi pas en dessous de 4 ? Parce qu’on si l’on considère qu’un classement de l’excellence peut motiver les élèves, un classement de la médiocrité est tout à fait inutile. Le 4 symbolisant tout simplement qu’une leçon n’est pas su !
Une définition de l’élève en difficulté bien plus large : En général, la proportion d’élèves dit « en difficulté » est assez faible en France. Et malheureusement, ces élèves ne reçoivent pas d’aide particulière et sont souvent amenés à redoubler, sans qu’on ait toutefois pris le temps d’essayer une autre méthode éducative. En Finlande cette proportion monte jusque 30 %. Non pas que les élèves finlandais aient plus de difficultés d’apprentissage, mais cette proportion concerne les élèves à qui on accorde un peu plus d’attention. Plusieurs exemple : Ces élèves travaillent en plus petit groupe au sein de la classe, ou assistant peut les prendre un peu en charge pour les aider plus individuellement. Parfois, ils vont dans une autre classe pour quelques heures par semaine où ils peuvent être un peu mieux pris en charge. Généralement, on évite de les séparer du reste des enfants du même âge, sauf lorsque cela est vraiment nécessaire.
Des élèves formés à découvrir par eux-mêmes plutôt qu’à gober des connaissances toute prêtes : La volonté omniprésente en France à vouloir faire des élèves des encyclopédies de savoir est largement dépassée en Finlande. Les enseignants essaient plutôt de les faire découvrir les choses par eux-mêmes, par de nombreux moyens pédagogiques, très loin du recopiage du tableau, et avec de nombreux support multimédia par exemple (le nombre d’ordinateur disponible est très élevé, des vidéoprojecteurs sont présents dans chaque salle, …). Les élèves travaillent souvent en petit groupe où le professeur n’est là que pour aiguiller les élèves et non pour dicter un savoir tout prêt à être gobé (ou non). D’autre part, le recopiage bête et méchant de leçon est considéré comme périmé, estimant (à mon avis à juste titre), que copier n’est pas apprendre. Cette façon de croire que recopier aide à l’apprentissage est d’ailleurs un des principaux facteurs d’étonnement des élèves finlandais que viennent étudier en France.
Emploi du temps « allégé » et réorganisé : « Entre 7 et 14 ans, l’écolier français reçoit environ 2000 heures de cours de plus que son homologue finlandais » (!). Plutôt que de penser qu’une longue durée d’apprentissage est vectrice de connaissance, les finlandais ont opté pour une bonne qualité d’apprentissage. La séquence d’apprentissage là bas est de 45 min (sur 1 heure) contre 55 minutes au collège en France, « faisant l’hypothèse que le temps d’enseignement serait plus efficacement utilisée avec des élèves mieux mobilisé ».
D’autre part, la grille horaire de l’école fondamentale est souple et les cours adapté en fonction de la capacité d’attention de l’élève : évitant les « cours à forte mobilisation intellectuelle à des moment où les élèves en sont incapable » (cad : après le repas, et après 16H, tandis que l’attention augmente progressivement tout au long de la matinée et encore un peu présente au milieu de l’après midi.). En France, le rythme d’attention de l’élève n’est pas du tout pris en compte, résultant une mauvaise qualité d’apprentissage.
Une autonomie et un parcours unique de plus en plus poussée : Si le cursus est commun pour les 4 premières années de l’école fondamentale, on introduit peu à peu après cela des matières optionnels « obligatoire ». En d’autre termes, les élèves ont la possibilité de choisir 2 cours optionnels (en rapport ou pas avec l’éducation, cela pouvant aller d’un cours supplémentaire de mathématique à de l’équitation). Ce choix, complètement anodin, ne l’est pas pour l’élève qui se sent un peu plus individualisé dans le système : Il ne s’agit pas pour lui de rentrer dans un moule, mais au moule de s’adapter à ses formes.
Au lycée, cela est encore plus poussé. Hormis un tronc commun, les élèves ont la possibilité de construire leur propre parcours en ajustant leur nombre d’heure de cours à leurs envies. Il a été dit (et parfois avéré) que certains élèves choisissaient les cours les plus faciles possibles. Cependant dans la grande majorité des cas, ce choix est un vecteur de motivation de l’élève qui est dans le cadre d’un apprentissage dynamique et non subit. D’autre part aucun impératif de temps est imposé : les élèves peuvent parfaitement réaliser l’ensemble du lycée en 2 ans et demi, les élèves un peu plus en difficulté en 4 ans, sans qu’aucun redoublement ne soit fait (l’emploi du temps étant tout simplement moins condensé).
Quand à l’université, cette liberté de choix est encore plus poussée (voir expérience personnelle)
Des conseillers d’orientation bien plus nombreux : Un conseiller d’orientation finlandais à la charge entre 150 et 200 élèves, soit 10 fois moins qu’un CO français. Ce nombre bien plus important permets notamment d’aider les élèves en difficulté dans la le choix de leur matières au lycée, et donc de s’orienter. Il n’est pas inutile de dire qu’en France, l’un des principaux problèmes des étudiants réside dans le choix de leur parcours (beaucoup choisissant « au hasard » leur cursus, plus selon un feeling qu’une réelle volonté)
Expérience personnelleMon expérience personnelle ne concerne pas le système éducatif fondamental, n’ayant pas eu la chance de grandir là bas. Cependant, cette année d’Erasmus à Oulu m’a permis de vois comment fonctionne l’université (qui découle forcément d’une part de l’école), et le point de vue des finlandais.
Ma principale constatation est au niveau des cours de langue (puisque c’est à peu près les seuls cours auxquels j’assiste, mon finnois ne me permettant pas d’assister aux autres): La pédagogie y est incroyablement plus efficace. Au lieu de cours orienté « texte, texte, texte » avec un peu de grammaire comme c’est souvent le cas en France, les finlandais essaient de varier les activités (texte, bien sur, mais aussi discussion en petit groupe, travaux d’écriture, d’exposé, écoute, bref tout les aspects d’une langue). J’ai commencé à apprendre le finnois là bas, bien évidemment, partant de rien, les progrès ne peuvent être que considérable, mais j’ai aussi continué l’allemand, et je pense que les progrès que j’ai fait cette année en Allemand en Finlande sont du même ordre qu’en 3 ou 4 ans en France. Il ne faut pas s’étonner que les pays Nordiques ont globalement une meilleur maîtrise des langues étrangères, il ont juste une meilleur pédagogie.
J’ai pu aussi constater une intégration très poussée des étudiants handicapés (pas très lourdement, mais tout de même), qui suivent les mêmes cours que les autres. Le « délit de sale gueule » est aussi une notion inexistante là bas.
Au niveau de l’organisation des cours, le mot d’ordre est « liberté d’apprentissage ». En d’autres termes, les élèves sont complètement libres de choisir ce qu’ils veulent étudier et d’assister ou non aux cours (en prenant leur responsabilités dans le second cas).
Au niveau du caractère des finlandais (qui est conditionné en partie par l’école), la confiance réciproque des finlandais et leur honnêteté) est un vecteur incroyable de bien être : imaginez laisser votre manteau (ou n’importe quoi d’autre) au milieu de l’université lorsque 10.000 étudiants passent par là, en étant sur de le retrouver 4 heures plus tard. Globalement, la personnalité des finlandais est aussi anti-conflictuelle, la résolution des problèmes se résolvant généralement par discussion plutôt qu’imposition (ça ne vous fait pas penser à la logique démocrate ?)
ConclusionPour finir bref, on peut voir que le système finlandais repose sur deux principes : « Chaque élève est différent » et « Un système centré sur l’élèves » aux implications multiples, sur la motivation, et plus largement sur la capacité d’apprentissage, le système privilégiant la qualité avant la quantité. L’égalité de traitement a également été substitué par l’équité, considérant qu’un élève en difficulté mérite plus d’attention, plutôt qu’imposer à rythme à tous, qui ennuie les élèves avec des facilité car trop lent et largue complément les élèves en difficultés car trop rapide.
De manière globale, si la réforme du système éducatif finlandais ne s’est pas faite en un jour, on ne peut que se rendre à l’évidence qu’elle est un plein succès, et qu’il est temps pour la France de s’en inspirer largement.
Restant à votre disposition pour plus de détails, questions, remarques …
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