Fillon veut réformer
le scrutin des régionales
Guillaume Perrault
26/03/2008 | Mise à jour : 08:16 |
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Dans un entretien à L'Express, le premier ministre se dit favorable au retour de la proportionnelle à un tour.
Réformé par Jean-Pierre Raffarin pour les élections de 2004, le mode de scrutin des régionales sera-t-il réformé par François Fillon pour celles de 2010 ? Dans un entretien à L'Express, le premier ministre annonce que «le gouvernement souhaite un débat sur le mode de scrutin pour les régionales». L'hôte de Matignon affirme que, «à titre personnel, sa préférence va à la proportionnelle à un tour, et non à deux comme actuellement». Le chef de la majorité entend donc abandonner le mode de scrutin mi-majoritaire, mi-proportionnel à deux tours en vigueur depuis la loi d'avril 2003 et appliqué lors des régionales de mars 2004, qui s'était soldé par une déroute pour la droite.
Dès sa réélection en mai 2002, Jacques Chirac comme Lionel Jospin avant lui avait souhaité abandonner le scrutin proportionnel à un tour utilisé jusqu'alors pour ces élections. Son objectif était de diminuer l'influence du Front national et d'éviter la répétition du psychodrame survenu lors des régionales de 1998. Cette année-là, quatre présidents de région UDF, Charles Millon (Rhône-Alpes), Jean-Pierre Soisson (Bourgogne), Jacques Blanc (Languedoc-Roussillon) et Charles Baur (Picardie), qui ne disposaient pas de la majorité absolue, avaient alors été élus grâce à l'appoint des voix des conseillers régionaux du Front national. Jacques Chirac, Jean-Pierre Raffarin et Alain Juppé, alors président de l'UMP, espéraient aussi favoriser la bipolarisation de la vie politique et consacrer la suprématie de l'UMP et du PS.
La loi d'avril 2003 a ainsi institué un mode de scrutin mi-majoritaire, mi-proportionnel à deux tours, largement inspiré du scrutin municipal, dans le cadre d'une circonscription régionale unique, et non plus de listes départementales. Le projet de loi initial prévoyait que seules les listes ayant rassemblé 10 % des inscrits soit 15 % à 20 % des exprimés, compte tenu de l'abstention pourraient participer au second tour. Mais le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition.
Ouvrir la polémique
En défini­tive, la loi a donc institué un seuil moins élevé : toutes les listes ayant obtenu 10 % des suffrages exprimés peuvent participer au second tour. Et les listes qui ont recueilli 5 % des voix ont la faculté de fusionner avec une autre demeurée en lice. Au second tour, la liste arrivée en tête obtient une prime majoritaire égale au quart des sièges à pourvoir. Et le reste des sièges est réparti à la proportionnelle entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des voix, y compris celle qui est arrivée en tête.
Or, cette réforme du mode de scrutin, appliquée lors des régionales de mars 2004, avait eu pour effet paradoxal d'amplifier la défaite de la droite lors de ces élections. Forte de ses 50,1 % au second tour, la gauche avait profité à plein de la prime majoritaire et raflé vingt des vingt-deux régions métropolitaines.
Instruit par ce précédent, François Fillon souhaite donc éviter la répétition de ce scénario catastrophe lors des régionales de 2010. Mais lancer le débat sur un mode de scrutin est la garantie d'ouvrir la polémique, l'initiateur du débat étant toujours suspect de rechercher son propre intérêt. La simple phrase de François Fillon dans L'Express ne permet pas de savoir dans quelle direction le gouvernement veut aller. S'il entend appliquer la proportionnelle intégrale, comme de 1986 à 1998, cela favorisera les formations petites et moyennes, à commencer par le MoDem de François Bayrou. S'il assortit au contraire cette proportionnelle d'une forte prime en sièges à la liste arrivée en tête, cela fera le jeu de l'UMP et du Parti socialiste et incitera donc à la bipolarisation du débat.