La sociologie des grandes agglomérations est favorable au centre et à la gauche
LE MONDE | 15.01.08 | 11h03 • Mis à jour le 15.01.08 | 11h03
deux mois des élections municipales, la droite lance la bataille des centres-villes. Et pour l'occasion, c'est Christine Boutin qui est montée à l'assaut. Quitte à bousculer au passage sa secrétaire d'Etat, Fadela Amara, en charge des banlieues. Lundi 14 janvier, la ministre du logement et de la ville a commencé par déclarer à La Croix qu'elle ne croyait pas "en un plan banlieue mais en une réponse beaucoup plus globale d'une nouvelle politique de la ville". Elle promettait aux élus de "vouloir les aider" à rénover leur cœur de cité. Et annonçait un "plan de rénovation des quartiers anciens les plus dégradés des villes moyennes ou grandes".
L'exemple est venu du haut. Annonçant son intention de s'engager dans la bataille des municipales, focalisant son attention sur Paris administrée par le socialiste Bertrand Delanoë, le président de la République a souhaité le 8 janvier placer sa réflexion sous le signe de l'urbanisme, de l'architecture, "de la sociabilité, de la convivialité, de la qualité de vie et de la place de l'homme dans la ville".
Cette attention portée aux centres-villes intervient alors que le scrutin municipal pose à l'UMP une équation délicate. La droite qui avait gagné de nombreuses villes moyennes en 2001 se doit de ne pas en perdre trop. Conserver Bordeaux Quant aux grandes villes, elles sont un terrain dangereux pour l'UMP : Ségolène Royal y a réalisé de bons scores à l'élection présidentielle et François Bayrou y a enregistré des percées, à l'instar de Bordeaux, la ville d'Alain Juppé. Cette dernière ville est à préserver. La reconquête de Lyon sur la gauche serait un trophée permettant de masquer des reculs ailleurs.
Du coup, les populations des centres-villes ont pris une importance stratégique. Pour Dominique Paillé, secrétaire général adjoint de l'UMP, il est clair que "le gouvernement doit aussi s'occuper des milliers de Français qui vivent dans les centres-villes". Tout en assurant : "Le plan banlieue est un engagement du gouvernement, et il sera tenu. Christine Boutin et Fadela Amara ont raison toutes les deux." Bruno Bourg-Broc, maire (UMP) de Châlons-en-Champagne (Marne) et président de la Fédération des maires de villes moyennes approuve les propos de Mme Boutin. "A trop concentrer son intervention sur les banlieues, on en viendrait à oublier qu'il existe de la misère urbaine dans les centres-villes, dit-il. Je suis totalement d'accord avec Christine Boutin. La pauvreté urbaine ne se résume pas à la banlieue. La ville, c'est l'addition de quartiers différents. Il faut que la mixité sociale soit une réalité partout." Directeur de recherches au Cevipof, le sociologue Jean Viard, analyse la querelle Boutin-Amara comme une répartition des rôles. "A une certaine époque, Nicolas Sarkozy a tout fait pour récupérer le vote de la deuxième génération du Maghreb. Aujourd'hui, il a un peu fait une croix dessus, parce qu'il s'est rendu compte que les quartiers étaient ancrés à gauche. Désormais la bataille se livre dans les villes préfectures ou dans les villes étudiantes." Selon cette analyse, Paris serait perdue pour la droite. D'où le projet du grand Paris, avancé par M. Sarkozy, qui viserait à diluer la capitale dans son environnement. Pour M. Viard, "les villes traditionnelles accumulent des bourgeois urbains et des étudiants, lesquels ont pris l'habitude de ne pas voter chez leurs parents, mais sur leur lieu d'études. Ils ont une culture urbaine, sont mobiles et votent plutôt à gauche." A l'inverse, "l'électorat de droite a deux composantes : d'une part les non-actifs, c'est-à-dire les retraités et les femmes au foyer, et d'autre part le petit patronat. Ces deux catégories fuient les cœurs de ville".
A gauche, Pierre Bourguignon, président (PS) de l'association des maires Ville et banlieue de France, dénonce "l'incohérence" du gouvernement : "C'est du baratin d'opposer les quartiers et les centres-villes". Pour Michel Destot, maire PS de Grenoble, "les quartiers prioritaires ne sont pas forcément dans les banlieues. Mais je crains que le discours de Christine Boutin ne dissimule une position réactionnaire, qui consiste, au nom de rééquilibrage, à ne plus s'occuper de banlieue."