au Modem, les handicapés sont valorisés
Le Monde (blog)04 mars 2008 9ème : “Greg” Perrin (MoDem), un trader en campagne sur son fauteuil roulant[/url]
Par Baptiste EtchegarayIl est l’un des favoris pour la
Palme du candidat le plus atypique de la campagne des municipales à Paris. D’ailleurs, l’inépuisable
Marielle de Sarnez ne manque pas une occasion de le répéter : sa tête de liste
MoDem dans le
9ème est “
trader” et “
tétraplégique“. Et, accessoirement, il s’appelle
Grégory Perrin, “Greg”, bien sûr, pour les militants oranges. Victime d’un
accident de moto à 17 ans, ce Lyonnais d’origine, deux fois plus âgé aujourd’hui, se déplace depuis en
fauteuil roulant. Impossible de le rater le dimanche en bas de la
rue des Martyrs, posté devant son
London cab (taxi londonien) qui l’emmène partout, conduit par sa “
chauffeuse” de charme.
Clin d’oeil ironique, le taxi, acheté aux enchères sur Internet, est tapissé d’une pub pour de la margarine avec pour slogan “
Here’s a tip: Why not walk ?” (un conseil : pourquoi ne pas marcher ?). Une manière amusante de rappeler que
Paris ne compte qu’une
vingtaine de taxis accessibles aux handicapés quand le
London cab accueille les fauteuils roulants dans la capitale britannique depuis
1984. Le “
pragmatisme à britannique” quoi. D’ailleurs,
Grégory Perrin parle souvent de
pragmatisme. Et oui, c’est la marque de fabrique du
MoDem.
Grégory Perrin fait les yeux doux à sa “chauffeuse
” devant sa fierté de campagne, le London cab
Grégory Perrin présente le London cabL’histoire de
Grégory Perrin, c’est un peu
comme dans les films, sauf que c’est pour de vrai.
Vous savez, l’histoire de celui qui,
malgré le handicap, a toujours
refusé la fatalité et s’est battu pour vivre une
vie “normale”, voire “bigger than life”. Célibataire, donc
tributaire des services sociaux qui viennent chaque jour à son domicile le laver, l’habiller et le coucher,
Grégory Perrin a pourtant très tôt “
refusé la vie de la plupart des tétraplégiques“, selon le mot de son ami
Armand Hennon, 50 ans, candidat sur la liste MoDem du 1er. Jusqu’à réussir dans sa passion devenu son métier, la
finance. Aujourd’hui
trader dans la salle des marchés de Calion,
Grégory Perrin n’a eu peur de rien pour y parvenir, ni de repasser le bac après son accident, ni même de faire l’aller/retour quotidien Lyon/Paris lorsqu’il était stagiaire à la BNP, comme le rappelle avec admiration
Armand Hennon. Pour la petite histoire,
Grégory Perrin aurait dû être étudiant à Lyon dans la promotion d’un certain
Jérôme Kerviel s’il n’avait pas démissionné au dernier moment de sa formation pour en suivre une autre. L’occasion pour le candidat de faire un commentaire sur le “
lynchage médiatique” du trader qui a
ébranlé la Société Générale :
Grégory Perrin et Jérôme K.Perrin à Bayrou : “Comment puis-je vous être utile ?”Son entrée en politique, elle, est
digne d’un livre, comme celui qu’il a publié en 2007,
Debout, dans lequel il met à profit son goût pour l’écriture pour raconter son parcours peu banal. Passionné par l’
expérience Bayrou lors de la dernière présidentielle,
Grégory Perrin décide d’envoyer un exemplaire de son ouvrage au leader centriste avec comme dédicace son numéro de téléphone et cette question ouverte : “
Comment puis-je vous aider ?“.
François Bayrou le contacte quelques jours après la victoire de
Nicolas Sarkozy en mai pour lui proposer de participer à l’aventure des
législatives le mois suivant. Et c’est ainsi que
Grégory Perrin devient candidat MoDem dans une
circonscription du 11ème (où il réside) et raffle près de
13% des suffrages, après un petit mois de campagne.
Défi 2008 : conduire la liste MoDem du 9ème à un score à la hauteur de celui de
François Bayrou à la présidentielle dans l’arrondissement (
23%). “
Il incarne la nouvelle génération du MoDem, désireux de servir l’intérêt général. Il a le bon profil pour un parti en construction“, dit de lui, élogieux, son ami Armand. D’ailleurs, “
c’est le petit chouchou de Marielle de Sarnez !“
Le handicap comme alibi de campagne ?Devant cette “
Greg mania“, difficile de ne pas s’interroger sur la
récupération électorale du handicap de
Grégory Perrin par le
MoDem parisien. Et si les animaux politiques
François Bayrou et
Marielle de Sarnez avaient flairer le
capital sympathie de ce jeune hommesur fauteuil pour le mettre habilement en avant à l’occasion des municipales ? L’intéressé botte en touche, avec une réponse mystérieuse que l’on donne à chacun le soin d’interpréter :
//
En attendant,
Grégory Perrin démontre que faire campagne en fauteuil roulant, c’est possible, même si cela demande un peu plus d’organisation. Et procure aussi quelques frustrations. “
Il était fou furieux de ne pas pouvoir être sur la photo des candidats MoDem au côté de Marielle de Sarnez sur la passerelle Simone de Beauvoir le mois dernier !“, raconte Armand Hennon. La tête de liste MoDem dans le 1er,
Paule Chanpetier de Ribes, qui s’engage dans son programme à rendre les écoles de l’arrondissement accessibles aux fauteuils roulants, le confirme : “
Je lis parfois une infinie tristesse dans son regard, qui passe comme un éclair“. Quel regard porte sur lui les habitants du 9ème ?
Un regard différent ?“Je suis un bobo, je le revendique”En bon centriste,
Grégory Perrin répète le même credo que l’ensemble des
candidats MoDem à Paris : faire de Paris une ville “
plus humaine et accessible aux classes moyennes“. Concrètement, il propose dans le
9ème de “
réserver une partie des logements auxquels la mairie a droit pour les classes moyennes en limitant le loyer à 16 euros du mètre carré“, au lieu des 24 euros pratiqués sur le marché. Une mesure clairement ciblée : éviter que Paris ne “
devienne Boboland” sans mettre à mal pour autant l’embourgeoisement de la capitale. D’ailleurs,
Grégory Perrin le revendique : “
Je suis un bobo“. L’occasion de lui demander sa
définition de ce mot désormais passe-partout.
C’est quoi un bobo M. Perrin ?Avec son cortège d’artistes et de jeunes branchés qui courent la rue des Martyrs,
le 9ème arrondissement est ironiquement
l’un des plus bobos de la capitale. Comment passe le discours “je ne veux surtout pas que Paris devienne une ville de bobos ?” Très bien, semble-t-il, car “
les bobos n’aiment pas rester entre eux“, explique Grégory Perrin ! Ah, ils sont vraiment formidables…
Second tour : “Quelqu’un viendra nous rejoindre”Et puisque une interview de candidat MoDem ne serait pas complète sans l’incontournable
question de journaleux sur les alliances au second tour, posons-la sereinement à notre trader, qui se plaît à surprendre son monde : “
Je suis convaincu que c’est quelqu’un qui viendra nous rejoindre et pas l’inverse“. Pardon ?!! Perrin devant
Jacques Bravo (PS) ? Devant
Delphine Bürkli (UMP) ? Expliquez-nous !! Mais l’intéressé, après son bel effet, finit par noyer le poisson avec la désormais tout aussi incontournable
formule magique politique ”nous, on veut travailler sur des projets“. Oh, dommage…
Qui rejoindra Grégory Perrin le 9 mars au soir ?Si vous voyez un taxi anglais se balader dans les rues de Paris,
toquez à la vitre, peut-être que
Grégory Perrin vous délivrera son secret…