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 la philosophie morale substituée à la philosophie sociale

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juju41

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Féminin Nombre de messages : 42846
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MessageSujet: la philosophie morale substituée à la philosophie sociale   la philosophie morale  substituée à la philosophie sociale Icon_minitimeSam 22 Mar 2008 - 14:27

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Mis à Jour le : 21 mars 2008 21:17
Jacques Bouveresse : la philosophie morale s’est complètement substituée à la philosophie sociale
21 mars 2008

« Sur les incendies des immeubles vétustes où étaient entassées des familles immigrées, sur la crise des banlieues, sur les mobilisations contre le CPE, nous n’avons pas entendu ou lu la moindre réaction de nos grandes têtes pensantes ; pas une n’a réagi. Autrement dit, la question sociale a disparu. C’est bien ce que Bourdieu avait prévu dans les dernière années de sa vie. Nous en parlions souvent. » Le philosophe Jacques Bouveresse s’interroge sur le rôle des intellectuels et des médias. « Sommes-nous maîtres de nos croyances ? Jusqu’à quel point sommes-nous libres à leur égard ? Ce problème est lié notamment à l’usage que l’on fait ou ne fait pas de l’information disponible et aux possibilités de manipulation et d’endoctrinement. »



Nouveaux Regards : Nous souhaiterions, si vous le voulez bien, connaître l’état de vos réflexions et de vos travaux en matière philosophique, mais également vous interroger sur les problèmes d’actualité politique et sociale. En particulier, qu’en est-il, selon vous, des rapports entre le politique, les intellectuels et le pouvoir médiatique ?

Jacques Bouveresse : Je viens de publier un article sur la question des médias et des intellectuels dans Le Monde diplomatique de mai dernier. J’en suis arrivé, je l’avoue, à un état assez voisin de la dépression vis-à-vis du monde intellectuel.

Sur les incendies des immeubles vétustes où étaient entassées des familles immigrées, sur la crise des banlieues, sur les mobilisations contre le CPE, nous n’avons pas entendu ou lu la moindre réaction de nos grandes têtes pensantes ; pas une n’a réagi. Autrement dit, la question sociale a disparu. C’est bien ce que Bourdieu avait prévu dans les dernière années de sa vie. Nous en parlions souvent.

La philosophie morale s’est complètement substituée à la philosophie sociale. Vous remarquerez que les livres qui se vendent se situent dans le registre « apprendre à vivre », comme ceux de notre illustre ex-ministre Luc Ferry. Vous remarquerez aussi la façon dont Alain Finkelkraut s’est exprimé sur le problème des banlieues, ou Hélène Carrère d’Encausse. Ce que nous avons entendu m’a semblé, dans leur cas, positivement honteux ; mais cela ne scandalise plus vraiment, parce que la prédication morale remplace de plus en plus la réflexion sur le social.

Pour ce qui concerne la relation du monde politique et médiatique avec les intellectuels, le phénomène BHL m’intéresse depuis longtemps. Il y a d’ailleurs aussi la question des relations du monde politique avec les intellectuels. Les politiques sont tous béats d’admiration devant Bernard-Henri Lévy. J’ai lu le livre que Nicolas Beau et Olivier Toscer lui ont consacré. On y trouve une citation assez incroyable de Bernard Kouchner qui aurait dit : « Oh BHL, on savait depuis le début que c’était du toc, et qu’on a laissé faire. L’idéologie française, c’est aussi ça, parfois : conforter les intellectuels, même quand ils barbotent dans l’approximation et l’erreur. ».

J’ai trouvé ces propos effarants. Cela revient en gros à dire que, à tout prendre, mieux vaut passer pour des cyniques que pour des gogos. Les politiciens n’ont tenu aucun compte de ce qu’ont dit des gens sérieux et informés (comme par exemple Pierre Vidal-Naquet ) à propos de certains des livres de BHL. On n’est arrivé à rien, et en partie à cause de l’attitude du monde politique qui se prosterne devant la célébrité, alors qu’il ignore totalement les représentants de l’université lorsqu’ils essaient de dire « non ». Contre ce genre de chose, les arguments ne pèsent à peu près rien.

Comment travaillez vous ?

(...)

Le problème de la croyance est de plus en plus à l’ordre du jour, et cela fait des années que je m’en préoccupe. Y a-t-il, comme on le dit, un retour du religieux, ou bien n’est-ce qu’une simple apparence ? Ce qui « revient » mérite-t-il, véritablement, d’être appelé le religieux, ou bien ne s’agit-il pas en réalité de quelque chose d’autre ?

J’ai été beaucoup intéressé, sur ce point, par le livre de Georges Corm, La Question religieuse au XXIe siècle, qui montre que, s’il y a des formes nouvelles d’irruption du religieux dans le champ politique, il n’y a probablement pas de retour de la religion elle-même. J’ai aussi relu avec beaucoup de plaisir et de profit certains classiques comme Les Variétés d’expériences religieuses, et La Volonté de croire de William James.

Quel est le rôle respectif que jouent la volonté et l’intellect dans la croyance ? Sommes-nous maîtres de nos croyances ? Jusqu’à quel point sommes-nous libres à leur égard ? Ce problème est lié notamment à l’usage que l’on fait ou ne fait pas de l’information disponible et aux possibilités de manipulation et d’endoctrinement.

Alors que nous n’avons, en théorie, jamais été aussi bien informés, il n’est pas du tout certain que nous soyons réellement mieux armés pour lutter contre les croyances irréfléchies ou erronées. On peut se demander, par exemple, si l’influence des médias contribue à développer ou, au contraire, à amoindrir la capacité de jugement et la liberté intellectuelle.

Chomsky est, à cet égard, un des intellectuels qui me fascinent le plus, et je ne suis pas sûr que l’on ait mesuré réellement l’importance de ce qu’il est en train de faire. Dans ses écrits actuels, il est d’une violence inimaginable à l’égard de son propre pays, les Etats-Unis, il accuse ouvertement le gouvernement américain d’avoir un comportement et une politique criminels. Et il pose cette question qui me tourmente depuis très longtemps : que pouvons-nous et que devons-nous faire pour que les gens deviennent un peu plus capables de pratiquer ce qu’il appelle l’ « autodéfense intellectuelle » ? De se défendre réellement quand ils sont en état de légitime défense, face à la propagande, à la manipulation, au mensonge d’Etat et au mensonge médiatique, etc.

(...)

N.R : Vous revenez souvent à Karl Kraus. Quelle est son actualité sur la question du pouvoir des médias et de la presse ?

Il est paru, ces derniers temps, une cascade d’ouvrages critiques sur la presse. Mais ce n’est pas tout de formuler des diagnostics, il faut aussi en tirer des conclusions. Or je n’ai pas l’impression que tel ait été le cas. Kraus disait que l’anti-corruptionnisme abstrait sert la corruption. Ce que l’on aimerait voir, ce sont des changements concrets et l’on n’en voit pas beaucoup. Ainsi, les phénomènes d’« emballement » médiatique, par exemple, peuvent avoir un effet absolument destructeur sur la vie des gens (voir notamment ce qui s’est passé à l’occasion du procès d’Outreau).

On aimerait, après coup, que la presse ne se contente pas d’excuses plus ou moins hypocrites, mais reconnaisse clairement ses fautes et fasse le nécessaire pour qu’elles ne se répètent pas. Mais ce n’est pas du tout l’impression qu’elle me donne. Pour être tout à fait franc, je dois dire que son pouvoir (et sa bonne conscience) me font toujours un peu peur.

Regardez ce qui s’est passé avec la presse américaine, qui passe en général pour ce qui se fait de mieux en matière de sérieux et d’indépendance. Au moment du déclenchement de la guerre en Irak, elle s’est prêtée largement à une opération de manipulation et de propagande en faveur d’une guerre que les responsables politiques et militaires étaient décidés à déclencher de toute façon. . Elle a cru et diffusé largement les mensonges du gouvernement Bush, et l’a reconnu par la suite. Mais qu’est-ce qui empêche que cela recommence exactement de la même façon la prochaine fois ? Je trouve cet exemple particulièrement inquiétant.

De façon générale, je me sentirais un peu plus rassuré si, pour parler comme Kraus, il y avait des conséquences et si les bévues monumentales et les fautes inexcusables étaient réellement sanctionnées, au moins par le mépris du lecteur. Et je préférerais, autant que possible, ne pas avoir à compter uniquement sur le sens moral et le sens de la responsabilité dont la profession journalistique ne perd pas une occasion de faire état et qu’elle considère comme une garantie suffisante pour que le pire soit évité.

Il se pose également - elle est même plus que jamais à l’ordre du jour - la question de l’indépendance de la presse par rapport au pouvoir économique, et en particulier celle du rôle déterminant que joue la publicité. Quand on voit l’évolution de certains journaux, notamment de Libération, on est obligé de se poser certaines questions. Peut-on rester libre quand on devient économiquement dépendant à ce point ? Kraus, qui a commencé à publier sa revue, Die Fackel, en 1899, a toujours pensé qu’il ne pouvait pas y avoir d’indépendance intellectuelle et morale sans indépendance économique.

Le problème important, en ce qui concerne la corruption, n’est pas le fait qu’elle existe, mais bien la tolérance et la compréhension dont elle bénéficie. Comment expliquer autrement le succès politique d’un personnage aussi corrompu (et corrupteur) que Berlusconi qui, pour un peu, aurait réussi à se faire reconduire au pouvoir et espère bien, du reste, y revenir rapidement ? Ce sont les citoyens ordinaires qui commettent une faute quand ils renoncent à sanctionner la corruption notoire et choisissent même, dans certains cas, de la récompenser.. Comme le dit Kraus, le mot d’ordre semble être plus ou moins : « Ne perturbez pas les gens, mettez-vous à table ». Autrement dit, « N’embêtez pas les gens avec la corruption, faites en plutôt autant si vous le pouvez ».

C’est désolant car, en France comme ailleurs, il y a un nombre considérable d’hommes et de femmes politiques qui sont très honnêtes, mais en même temps on a l’impression que, même eux, par solidarité, hésitent souvent à dénoncer ouvertement les brebis galeuses. Des exemples comme ceux de Pasqua ou de Tibéri, qui n’ont jamais jusqu’à présent été sanctionnés pour quoi que ce soit, incitent fortement à se demander s’il n’y a pas une sorte de prime à la corruption, tolérée plus ou moins par le monde politique lui-même. Ceux qui protestent sont qualifiés avec mépris de « moralistes », de puritains ou, pire encore, d’inquisiteurs. C’est désastreux, parce que le monde politique n’a sûrement pas fini de payer le discrédit dans lequel il est tombé et ne semble avoir aucune envie réelle de sortir.

N.R : On a l’impression d’une réelle collusion entre les grands médias, les intellectuels et le pouvoir de l’argent. Comment en sortir ?

J.B : Karl Kraus parlait de la détresse pitoyable des gens honnêtes face aux gens culottés, je dirais « culottés et malhonnêtes ». Les honnêtes gens ont rarement eu autant de raisons de se sentir floués et d’éprouver un sentiment de détresse face à l’arrogance et l’impudence des détenteurs du pouvoir et de l’argent qui se considèrent comme au-dessus des règles. Quand je vois le degré auquel on est tombé sous la domination du pouvoir de l’argent, c’est terrifiant.

BHL nous a avertis à différentes reprises qu’il ne fallait surtout pas « diaboliser » l’argent (c’est, d’après lui, une idée dangereuse et, pour tout dire, préfasciste). Mais quand on observe avec quels égards et même quelle vénération l’argent est traité aujourd’hui, il n’y a sûrement pas de souci à se faire. Pour ma part, j’ai plutôt le sentiment qu’il est proprement divinisé ! Je suis consterné par la passivité totale d’un monde intellectuel qui contemple sans réagir l’évolution d’un capitalisme en train, à bien des égards, de redevenir plus ou moins sauvage.

Kraus avait déjà commencé à se battre contre l’avènement d’une forme de capitalisme essentiellement spéculatif et financier, orienté essentiellement en fonction du profit des patrons et des actionnaires, et non de l’intérêt des salariés, des entreprises et du pays lui-même. C’était déjà le cas, d’après lui, de certaines des entreprises industrielles les plus puissantes en Autriche. Compte tenu de ce qui est en train de se passer en ce moment, il y a des textes de la Fackel qui, même s’ils ont été publiés dans les premières années du XXe siècle, sont particulièrement intéressants à relire aujourd’hui.

Puisqu’il faut s’occuper de ce qui nous concerne et de ce que nous pouvons faire, pour notre part, il y a des raisons de s’inquiéter de la façon dont la relation du monde intellectuel à l’univers du marché universel et au pouvoir de l’argent a changé. On est évidemment loin de l’époque de Sartre. Il y a quelque chose d’assez insupportable dans la façon dont tout le monde, intellectuels compris, s’accorde aujourd’hui pour célébrer les vertus du capitalisme triomphant, de la croissance sans fin et de la compétition sans règles pour la suprématie économique.

Quand on sait qu’il y a 6000 travailleurs qui meurent chaque année dans les mines en Chine, cela donne sérieusement à réfléchir. Je ne parle pas, bien entendu, de la situation de l’Afrique. Quand j’entends parler de « la France qui gagne », je ne peux pas m’empêcher de penser que, de façon générale, qu’il s’agisse des individus ou des nations, certains ne gagnent que parce que d’autres perdent.

Propos recueillis par Evelyne Rognon et Régine Tassi

Philosophe réaliste, éminent spécialiste de Wittgenstein et de la philosophie analytique, Jacques Bouveresse est aussi connu pour des ouvrages critiques sur les impostures scientifiques et intellectuelles. Il est professeur au Collège de France où il occupe la chaire de philosophie du langage et de la connaissance.


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