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19.05.2008
13 000 détenus à libérer.
13 000 détenus à libérer. Le compte est vite fait. Les prisons françaises comptent environ 63500 détenus, alors qu’il n’y a que 50631 places disponibles. Et au 12 juin 2008, la loi impose l’encellulement individuel strict. Il faut donc libérer 13 000 détenus, … ou violer la loi, ce qui serait tout de même fâcheux, n’est-ce pas ?
Encore un coup dur pour notre douce Rachida Dati, ainsi sommée d’appliquer une loi alors que manquent les moyens. Difficile de dire, pourtant, que le système judiciaire n’aurait pas eu le temps de se retourner. C’est depuis 1875 que la loi a posé le principe de l’emprisonnement individuel. Un texte jamais respecté, et donc hélas bien à l’image de ce que reste la prison : le lieu où conduit l’irrespect de la loi et un lieu où la loi n’est pas respectée.
Les textes
Le premier texte concerne les personnes en détention provisoire, qui se trouvent en maison d’arrêt. C’est l’article 716 du Code de procédure pénale, dont la dernière version est issue de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 :
« Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants :
« 1° Si les intéressés en font la demande ;
« 2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'ils ne soient pas laissés seuls ;
« 3° S'ils ont été autorisés à travailler, ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d'organisation l'imposent ;
« 4° Dans la limite de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, si la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou le nombre de détenus présents ne permet pas un tel emprisonnement individuel.
Bref, c’était une disposition ancienne, dont le terme a été reporté au 12 juin 2008, par la loi du 12 juin 2003, devenu le 4° alinéa.
Une disposition du même type, l’article 717-2, concerne les personnes condamnées, et qui se trouvent en principe en centre de détention, et souvent en maison d’arrêt, par manque de place dans les centres de détention.
La loi violée dans les prisons
Une fois la loi rappelée, le débat devrait être simple : 50631 places disponibles, donc 50631 personnes en détention. Les autres, les 13 000, en liste d’attente. Le 12 juin 2008, ce sera vite là. Et la question est simple : on respecte la loi ou on la détourne ?
Dans nombre d’établissements la règle est respectée. C’est les cas pour les centres de détention, qui accueillent les longues peines, et pour les prisons à gestion privée, car les contrats prévoient en cas de surpopulation, des pénalités financières importantes, qui calment l’administration. Donc, ça ne bougera pas de ce côté là.
C’est dire que le surnombre est reporté sur les maisons d’arrêt à gestion publique. Et c’est pour cela que plus d’une de ces prisons connait des taux d’occupation qui dépassent les 200%. Malaise.
Si l’on veut respecter la loi, il faut arrêter d’incarcérer, sauf pour les cas les plus graves, et libérer tous azimuts. Donc treize mille détenus à libérer avant le 12 juin. Mais comment faire ? Quels critères choisir ? Faut-il massivement transformer le régime d’exécution des courtes peines, par les alternatives à l’hospitalisation ? Mais les services pourront-il suivre ? C’est un problème énorme qui est en perspective.
Rachida Dati a annoncé aujourd’hui 19 mai, qu'elle allait « prochainement » prendre un décret pour « organiser la mise en œuvre » du principe d'encellulement individuel pour tous les détenus. D’après elle, nombre de détenus ne souhaitent pas l’encellulent individuel, et leur ce choix serait respecté ». Tout se jouerait donc sur une application souple du 1° de l’article 716.
Attendons pour voir. Mais, la solution manque de réalisme, notamment du fait l’extrême disparité entre les taux d’occupation. Une chose est sûre : tout ce qui tendrait à vider la substance de cet engagement du législateur, cinq après, serait détestable.
http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2008/05/19/13-000-detenus-a-liberer.html