Amnesty épingle la faillite des Etats sur les droits de l'hommePar Rue89 Edito | 29/05/2008 | 07H41
Chaque année, le
rapport d’Amnesty International offre le miroir dérangeant de notre planète imparfaite. Celui de cette année est aussi l’occasion d’un bilan, car 2008 marque le soixantième anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme. C’était au lendemain de la guerre, à l’époque des "plus jamais ça" et des espoirs liés à la paix retrouvée.
La première phrase du rapport d’Amnesty est accablante:
"Les dirigeants mondiaux devraient présenter des excuses, car ils n’ont pas su tenir les promesses de justice et d’égalité contenues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Pendant ces six décennies, nombre de gouvernements se sont centrés sur l’exercice d’un pouvoir abusif ou se sont efforcés de faire avancer leurs propres intérêts politiques, en négligeant le respect des droits des personnes placées sous leur responsabilité."
Et le rapport de le prouver. Aujourd’hui encore, il existe 81 pays, soit la moitié des Etats du monde, qui pratiquent la torture, 77 pays qui ne permettent pas la liberté d’expression, 54 pays où la justice est inique. Et ces pratiques ne sont pas l’apanage d’obscures dictatures éloignées comme la Birmanie ou le Zimbabwe.
Les Etats-Unis, la plus grande puissance mondiale, sont épinglés pour leur centre de détention de Guantanamo et l’autorisation accordée à certaines formes de torture. L’Union européenne est montrée du doigt pour ses projets de prolongation de la durée de détention des immigrants illégaux et des demandeurs d’asile.
L’organisation s’en prend particulièrement aux dirigeants politiques, ceux des puissances anciennes accusées de se désinvestir du sujet -la France, hélas, ne fait pas exception-, et ceux des nouveaux “grands”, absents ou ambivalents selon Amnesty. Elle les appelle a fixer un nouvel agenda mondial de respect des droits de l’homme, et, surtout, à le mettre en oeuvre.
Plus grave encore, le débat ressurgit régulièrement sur la question de l’universalité de ces droits: cette belle déclaration de 1948, qu’on apprend fidèlement dans nos écoles, ne représenterait-elle finalement que les valeurs d’un Occident alors dominant? Pour Amnesty,
"les droits humains ne sont pas des valeurs purement occidentales".
L’organisation a d’ailleurs évolué sur le périmètre des droits de l’homme, puisque son rapport évoque également l’impact des marchés financiers, les inégalités sociales, les émeutes de la faim et les deux milliards d’êtres humains qui vivent dans la pauvreté. Les Nations Unies avaient pris des engagements en leur faveur qui ne seront visiblement pas tenus.
Amnesty conserve sa foi dans l’action des citoyens en faveur des droits de l’homme, ce qui lui a valu le prix Nobel de la paix en 1977. Mais les temps ont changé et Amnesty a plus de mal à se faire entendre. Une voix pourtant indispensable au milieu des clameurs de notre vie politique.
Pierre Haski