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Une Charte arabe des droits de l'homme qui fait polémiquePar Carole Vann (Journaliste) 02H46 02/02/2008
Les libertés sont-elles modulables selon les mentalités et les cultures? La question ressurgit alors que la planète célèbre cette année les soixante ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Négociée sous l’égide de la Ligue arabe, une charte régionale des droits de l’homme va pouvoir entrer en vigueur en mars. Elle a été ratifiée par la Jordanie, le Bahrein, la Libye, l’Algérie, les Emirats arabes unis, la Palestine, le Yémen. La Haut commissaire aux droits de l’homme, Louise Arbour, a salué l’événement. Cette "caution" de l’ONU a provoqué le tollé dans les milieux pro-israéliens.
Ces derniers ont fortement réagi au préambule qui condamne le sionisme au même titre que le racisme. Ils reprochent à Louise Arbour de donner une crédibilité à une charte qui "appelle à la destruction d’Israël", d'après
UN Watch. Alors que l’ONU est censée éviter tout amalgame à ce sujet. Les défenseurs des libertés, eux, considèrent qu’une telle mention relève du politique et n’a pas sa place dans ce texte.
"La Charte arabe est en conformité avec la Conférence de Vienne de 1993 qui reconnaît des spécificités régionales aux droits de l’homme, argue un diplomate arabe à Genève. La Ligue arabe a voulu réaffirmer que la
charia, la loi de Dieu, n’est pas en contradiction avec le droit international. La question du sionisme est un problème intrinsèque à la région. Les Etats arabes ne peuvent pas faire l’impasse dessus."
Le haut commissariat aux droits de l’homme a toutefois diffusé mercredi un nouveau communiqué, incluant les réserves sur la mention du sionisme et sur certaines dispositions de la Charte considérées en dessous des normes internationales.
ONG sur la réserve"Ce compromis entre la charia et la Déclaration des droits de l’homme laisse à désirer, relève Eric Sottas, directeur de
l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Certains passages, notamment sur la femme, la torture, la liberté d’association et la peine de mort pour les enfants, restent flous."
"Tous les pays arabes ont pourtant signé la Convention relative aux droits de l’enfant qui stipule qu’aucun mineur ne peut être condamné à mort pour des crimes commis avant 18 ans. Or cette Charte stipule que la législation interne prime parfois." Ce qui équivaut à l’application de la charia pour certains pays.
Même réserve chez Said Benarbia, chargé du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord à la
Commission internationale des juristes: "Dans certains pays de la région, si on fait partie des Frères musulmans par exemple, on risque la peine capitale sans faire dans le détail, enfant ou pas."
Et Eric Sottas de poursuivre: "A partir du moment où un pays ratifie une convention internationale, il doit modifier sa législation interne. C’est bien pour cela que les Etats-Unis n’ont toujours pas ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant."
Said Benarbia s’inquiète aussi de la mise en application des traités. "Lorsqu’un Syrien, un Egyptien ou un Tunisien est traduit en justice chez lui, comment peut-il être protégé par cette Charte?", interroge-t-il. D’une part, estime de son côté Eric Sottas, le Comité censé veiller au respect de cette Charte n’est autorisé à recevoir que les rapports des Etats. D’autre part, les gouvernements signataires ne font rien pour adapter leur législation aux instruments internationaux ou régionaux. Et comme leur justice n’est pas indépendante, conclut-il, les juges n’osent pas prendre l’initiative de modifier les lois.
Même constat pour l’état d’urgence qui doit, selon la Charte, être une mesure exceptionnelle. "Or dans certains de ces pays, l’état d’urgence dure depuis 30-40 ans!", ironise le juriste. "Il y a un réel décalage entre la Charte et la réalité sur place."