La Commission patine dans l’huile d’olive
L’Italie est en émoi. L’Union européenne ose s’attaquer à l’huile d’olive, l’un des fleurons de la gastronomie locale et ce, au nom de la pureté du grand marché ! La résistance s’organise, les fusils sont sortis, on va voir ce qu’on va voir.
La semaine dernière, la direction générale chargée de l’agriculture la Commission a, en effet, envoyé une « mise en demeure » à l’Italie afin qu’elle supprime un décret imposant aux producteurs d’huile d’olive vierge et extra vierge de la Péninsule d’indiquer la provenance précise de leurs olives. « Un système obligatoire est illégal, car il crée une discrimination pour les producteurs des autres pays », a expliqué Michael Mann, le porte-parole de la commissaire chargée de l’agriculture.
La Commission s’appuie sur un règlement européen nº 1019/2002 qui prohibe tout affichage « obligatoire » de la provenance des olives servant à fabriquer l’huile et autorise la simple mention « olives d’origine européennes ». Pourquoi ? Pour complaire aux grandes industries agroalimentaires qui font venir leurs olives de la planète entière et qui ne tiennent pas à ce que le consommateur le sache. Une huile d’Ombrie fabriquée avec des olives espagnoles ou tunisiennes, honnêtement, ça ne fait pas très sérieux… En outre, l’Union estime qu’un affichage obligatoire est un moyen détourné de privilégier les producteurs d’olives italiens. Ce règlement, adopté par les États membres, impose donc des règles européennes d’étiquetage auxquelles il n’est pas permis de déroger. Formellement, c’est indiscutable, l’Italie a tort et la Commission raison.
Politiquement, c’est une autre histoire. Si le consommateur a envie de savoir si son huile fabriquée avec des olives italiennes, n’est-ce pas son droit le plus absolu ? On a du mal à voir la menace que cela fait peser sur le marché unique. On se demande s’il est bien nécessaire de poursuivre toute affaire cessante l’Italie. Quand elle le veut, la Commission sait parfaitement regarder ailleurs (comme le montre les fraudes aux subventions de la politique agricole commune dont Bruxelles s’est longtemps accommodé). Mais sans doute les multinationales de l’agroalimentaire ont-elles trouvé d’efficaces relais dans la DG agriculture.
La Commission est coutumière de ce genre de décision surréaliste. Ainsi, en juillet 2006, elle s’était illustrée par sa décision de poursuivre la Pologne, la Hongrie et la République tchèque qui avaient osé maintenir un taux réduit de TVA sur les couches pour bébés, en violation de la directive TVA… On mesure le danger pour la construction européenne.
La Commission est d’ailleurs gênée aux entournures : « en octobre prochain, nous lançons un “livre vert ‘sur la qualité des produits européens’"", annonce Michael Mann. Et à l’issue de cette consultation, elle aimerait bien que le règlement sur l’étiquetage soit revu de fond en comble afin de valider le décret italien dont l’illégitimité ne saute pas aux yeux.