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Delors et Fischer pour une avant-garde de pays au sein de l'Union européenne
lundi 23 juin 2008, 18h38 | AFP
L'Union européenne doit se doter d'une avant-garde de pays pour relever les défis mondiaux comme celui de l'énergie si elle ne veut pas "se ridiculiser", ont estimé lundi le Français Jacques Delors et l'Allemand Joschka Fischer.
"Il faut accepter que certains avancent plus vite que d'autres", quel que soit l'avenir du traité de Lisbonne réformant les institutions européennes que les électeurs irlandais ont rejeté, a déclaré l'ancien président de la Commission européenne Jacques Delors lors d'un débat à Berlin avec l'ancien chef de la diplomatie allemande Joschka Fischer.
"Si on doit marcher à la vitesse de celui qui veut aller le moins vite (bien qui veut aller le moins vite), l'Europe ira vers son déclin", a ajouté M.
Delors. "Au delà de la question irlandaise c'est la question qui est posée. A 27, avec nos institutions... nous n'avancerons pas".
M. Fischer a abondé dans son sens, rappelant que l'Europe ne pouvait pas continuer "à l'infini" à débattre de ses institutions. Il a plaidé pour qu'une avant-garde de pays membres puisse poursuivre l'union politique sans attendre les autres. "Il faut que ceux qui le veulent puissent le faire et que ceux qui ne veulent pas n'y soient pas obligés", a-t-il lancé.
Tous deux ont insisté sur l'urgence pour l'Europe d'adopter une politique commune de l'énergie, surtout face à la Russie, qui veut consolider sa position de principal fournisseur de carburants de l'UE.
M. Delors a proposé la création d'une communauté de l'énergie à l'image de la communauté du charbon et de l'acier (CECA), première étape de la construction européenne dans les années 50.
Il a déploré le "caroussel" des dirigeants européens allant briguer les faveurs des dirigeants russes Vladimir Poutine puis Dmitri Medvedev. "Nous nous ridiculisons devant la Russie", a commenté M. Fischer, qui a également insisté pour qu'une avant-garde développe la politique de défense.
"Si l'Europe continue comme ça elle se ridiculise et nourrit le cynisme de certains des grands de ce monde", a acquiescé l'ex-président de la Commission.
M. Fischer a reconnu que la création d'une telle avant-garde serait possible si le traité de Lisbonne était finalement adopté, malgré son rejet par les électeurs irlandais, mais qu'elle serait plus difficile si ce traité restait lettre morte.
Il a suggéré que lors de prochaines réformes des institutions, les populations ne soient plus appelées à approuver par référendum un traité compliqué, comme cela a été fait en France, aux Pays-Bas et en Irlande, mais à décider si elles veulent continuer à participer à l'intégration européenne.
L'idée est que les électeurs disent: "nous participons, et c'est un oui, ou nous pensons que c'est trop d'Europe, nous n'en voulons pas et nous ne participons pas", a-t-il expliqué.
Tous deux ont rejeté l'idée de bloquer le prochain élargissement de l'Europe à la Croatie tant que le traité de Lisbonne ne serait pas en vigueur, évoquée par plusieurs personnalités européennes. "Ce n'est pas la bonne réponse, a déclaré le Français. C'est un sabre de bois employé contre les Irlandais". Dire non aux Croates parce que les Irlandais ont dit non, "c'est l'Europe qui tournerait le dos à ce qu'elle a fait depuis 40 ans".
Le débat a été organisé par l'ambassade de France dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, qui commence le 1er juillet.
M. Fischer a rappelé que l'Europe ne pouvait pas continuer "à l'infini" à débattre de ses institutions. Il a plaidé pour qu'une avant-garde de pays membres puisse poursuivre l'union politique sans attendre les autres. "Il faut que ceux qui le veulent puis (Andreas Solaro - AFP/Archives)