Jean-Luc serais-tu un disciple de Maître Eolas? "Pas de blackout chez Eolas
Une autre manière de voir le sujet, l'argumentation (peut-être plus intelligente que le black-out, mais on fait ce qu'on peut...
).
Donc, dans les chroniques d'abonnés du Monde, ce texte:
Et si le dispositif Hadopi était un solublème par Anne-Caroline Paucot, Artisan-créateur d'un futur désirable
01.03.09
Dans le dictionnaire du futur (www.dictionnairedufutur.fr) on trouve "solublème"(1) qui signifie :
"solution qui crée un problème plus important que celui qu’elle a cherché à résoudre".
Le solublème est une pratique ancestrale qui a ses mentors. L’un d’eux est
un officier supérieur de l’armée américaine qui, après une expédition
au Vietnam, affirma :
"Pour pouvoir sauver la ville, nous avons dû la détruire".Il existe différentes techniques pour faire en sorte qu'une solution à
un problème s'avère un solublème. La première est la certitude de
détenir la bonne solution. Cette assurance permet d'éviter de se
demander comme ses interlocuteurs vont réagir.
Un exemple illustre les
dégâts de cette absence d'empathie. Constatant que dans le service de
chirurgie cardiaque le nombre de décès en salle d’opération a augmenté,
un directeur d’hôpital mit en place une incitation financière : les
chirurgiens recevaient une prime s’ils ne dépassaient pas un quota
mensuel de décès. Résultat, ils retardèrent les opérations délicates
lorsqu'ils avaient atteint ce quota. Les patients ne mourraient plus
en salle d’opération mais dans leurs chambres.
Après cette présentation du solublème, venons-en au projet Hadopi. Il
semble être un solublème pour plusieurs raisons : le problème qu'il cherche à
résoudre est la chute des chiffres des affaires des industries
culturelles.
Si la dégringolade des profits de ce secteur est
indéniable, le coupable est selon les instigateurs de ce projet les
"téléchargeurs" compulsifs. A en croire les experts, ces passionnés
de musique ou de cinéma assouvissent leur passion en gonflant leurs
ordinateurs de musiques et de films mais ne vont pas au concert ou au
cinéma. En revanche, si l'on condamne ces criminels, ils vont courir
acheter disques et DVD. Nos pirates seront atteints du syndrome de
Stockholm. Tombant en pamoison devant leurs bourreaux, ils vont se
ruiner en bien culturels pour leur faire plaisir. Et même qu'ils
surmonteront la difficulté d'avoir accès aux biens culturels sans
connexion Internet.
On peut douter de la plausibilité de ce
scénario. C'est en tout cas, ce que fait la CNIL qui dans son avis au
gouvernement déplore que le projet de loi ne soit pas accompagné d'une
étude qui démontre clairement que les échanges de fichiers via les
réseaux « pair-à-pair» sont le facteur déterminant d'une baisse des
ventes dans un secteur en pleine mutation.
Si l'on est en droit
de douter qu'Hadopi résolve le problème posé, il faut, pour être un
solublème, qu'il crée un ou plusieurs problèmes. Différentes pistes
sont envisageables.
Le premier problème qu'il peut créer est que
des innocents soient privés de connexion Internet. Hadopi n'ayant pas
prévu que l'internaute puisse se justifier, il peut être accusé de
télécharger de manière illégale alors que sa connexion a été piratée
par des voisins ou des anonymes. Ces injustices risquent de créer des
mouvements de protestations qui vont desservir les instigateurs de
cette loi. Brigitte Zypries, ministre de la justice allemand, le pense
:
"Je suis sûre qu'une fois que les premières déconnexions se produiront en
France, nous entendrons le tollé jusqu'à Berlin. » Lena Adelsohn Liljeroth et
Beatrice Ask, ministres suédois de la Culture et de la Justice abondent aussi dans ce sens :
"Beaucoup
ont noté que la coupure d’un abonnement à Internet est une sanction aux
effets puissants qui pourrait avoir des répercussions graves dans une
société où l’accès à internet est un droit impératif pour l’inclusion
sociale. Le gouvernement a donc décidé de ne pas suivre cette
proposition. » Elles ajoutent : « les lois sur le copyright ne doivent
pas être utilisées pour défendre de vieux modèles commerciaux »
Les pouvoirs accordés à une autorité administrative risquent aussi de créer
quelques remous dans les chaumières. Les députés UMP M.Lefur et
A.Suguenot les évoquent : "
Ce transfert des pouvoirs du juge à
une autorité administrative revient à créer une véritable juridiction
d’exception pour les téléchargeurs et va à l’encontre du principe
d’égalité devant la loi et les tribunaux, principes fondamentaux des
lois de la République »En cerise sur le gâteau des
problèmes, on a le coût de l'opération : 6,7M d'euros par an plus les
frais d'identification et d'envoi de courriers électroniques. Comme on
parle de 3000 lettres recommandées par jour, dame Albanel a sorti sa
calculette qui affiche 10M€ à 20M€/an supplémentaires. A ces chiffres
impressionnants, il faut ajouter les pertes de revenus liés à
l'impossibilité de consommer des internautes déconnectés.
Pas de solution, des problèmes... On a vraiment l'impression que le dispositif
Hadopi a été imaginé pour faire de la publicité et valider le mot
solublème. On aurait envie de suggérer au gouvernement de prendre
rendez-vous avec l'Académie française. Peut-être que nos immortels
n'auront pas besoin d'un tel carnage pour accepter le mot.(1) http://www.dictionnairedufutur.fr/spip.php?article69